Identifier les saints, dont les représentations abondent dans les églises cantaliennes, n’est pas un jeu d’enfant. Avec Roch, toutefois, aucun problème : son attribut principal le rend reconnaissable entre tous. Celui-ci nous ramène à un temps où la frontière était mouvante entre dévotion religieuse et superstition, tant le monde se trouvait démuni face à l’ampleur des catastrophes sanitaires : le XIVe siècle.

 

 

L’illettrisme étant à cette époque généralisé, les populations avaient besoin de représentations visuelles plutôt que d’indications écrites. D’où la figuration des saints pourvus d’attributs qui leur sont propres, et dont la signification reste pour nous le plus souvent mystérieuse.

 

 

 

Roch de Montpellier est né au XIVe siècle, en pleine Guerre de Cent Ans, dans une ville où l’enseignement de la médecine connaît alors un apogée. Issu d’une famille aisée et formé à cette discipline prestigieuse, il renonça vite aux responsabilités qui l’attendaient dans sa ville natale pour partir sur les routes au chevet des malades de la peste noire, qui sévissait alors dans l’Europe entière.

C’est en Italie que ses pas le menèrent, et c’est là qu’on lui attribua ses premières guérisons miraculeuses. La légende de Roch, le thaumaturge, le faiseur de miracles, était en marche… et c’est ainsi qu’il devint le recours qu’on invoqua des siècles durant contre la terrible peste et d’autres fléaux naturels.

 

 

 

Le Montpelliérain ne revit jamais sa terre natale : au cours de son voyage de retour vers le Languedoc, l’anonymat qui conditionnait son statut de pèlerin le fit passer pour un espion, et c’est dans une geôle lombarde que son existence prit fin.

Rocco fut un prénom bien plus populaire de l’autre côté des Alpes que Roch en France, il n’empêche que son aura s’étendit largement dans notre pays au fil des siècles, ainsi que dans tout le monde chrétien. Rochus en latin et Sant Ròc en Occitan, dans le Cantal, il fut assurément le saint le plus populaire, en témoignent les innombrables statues qu’abritent nos églises.

 

 

 

La pérennité du culte de Roch s’explique grandement par la progressive spécialisation du saint en protecteur des troupeaux, le bétail étant lui aussi touché par les épidémies. Habile reconversion…

Ces statues, vous les repérerez donc facilement grâce au bubon et à leur cuisse exhibée, à ses attributs de pèlerins (coquille et bâton) mais aussi au petit chien du nom de Roquet qui accompagne le saint pèlerin. Selon la tradition, en effet, lorsque la peste affecta Roch lui-même au point de le laisser pour mort en pleine forêt et que personne ne daigna s’occuper de lui, il fut sauvé par la diligence du petit animal, qui s’empressa de lui apporter chaque jour un quignon de pain. Un ange fit le reste, qui lui apporta le baume salvateur.

En Châtaigneraie, trois communes ont pour patron celui qui l’est aussi pour les pèlerins : Boisset, Parlan et Prunet. Saint Roch y fait toujours l’objet d’une fête, qui a lieu chaque année aux alentours du 16 août. D’autres communes le célébraient aussi : à Montmurat, le curé bénissait à cette occasion les troupeaux ; à Vieillevie, on leur donnait du pain et du sel en guise de protection contre les maladies contagieuses. A Laroquebrou, vous pourrez également admirer une statue en bois polychrome du saint patron.

 

 

 

Les événements liés à Roch qui ont subsisté jusqu’à nos jours ne sont plus que purement festifs, tant il est vrai que l’intercession des saints n’est plus guère sollicitée.

 

 

 

Quand Roch mourut, son fidèle ami Roquet ne tarda pas à le suivre… Leurs âmes montèrent au Paradis et arrivés devant les portes, Roch se présenta en compagnie de son petit chien… Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque St-Pierre, le portier du Paradis, interdit l’accès à Roquet sous prétexte qu’aucun animal n’y été admis ! Contrarié, Roch reparti sur terre, préférant rester en compagnie de son chien. 30 ans s’écoulèrent pendant lesquelles Roch et Roquet continuèrent de d’accomplir des miracles auprès des pestiférés et autres malades de la peau. Un jour, le Pape décida de récompenser Roch et voulut faire de lui un saint après tant de guérisons, sauf que le saint homme en question était bel et bien introuvable depuis que St-Pierre lui avait fermé les portes du Paradis ! St-Jean-Baptiste fut missionné pour le chercher pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’enfin St-Roch et Roquet furent présentés au Paradis et le Bon Dieu accorda sa place au petit chien. C’est alors que tous les saints ayant aimé des bêtes se mirent à protester « Et ma colombe, s’écrie Noé… Et le corbeau qui m’a nourri au désert, s’écrie Elie… Et la baleine qui m’a logé trois jours dans son ventre, remarque Jonas… Et le
cochon qui m’a sauvé de l’ennui, remarque Antoine… Et le cerf, dit Hubert, le cerf qui a une croix sur la tête… Et mon frère loup et mes frères oiseaux et mes frères poissons, s’insurge saint François… »
, « Ils n’y sont pas tous ! Il manque l’âne et le bœuf qui m’on réchauffé de leur haleine, quand j’étais petit ! » s’exclama même Jésus ! Alors, dans sa grande bonté, le Bon Dieu permis depuis ce jour à tous les animaux de monter au Paradis, en attendant que leur maître les rejoigne.

 

Sources : « Croyances, légendes et traditions populaires dans le Cantal » de Pierre Moulier et saint-roch-h_bourbon