Vous le savez déjà si vous nous lisez chaque semaine : l’existence de Montsalvy est due au hasard de la trajectoire d’un poil de la barbe du diable, que celui-ci avait lancé avec l’autorisation du Créateur, notez-le bien.
C’est du moins l’une des versions, à laquelle nous laisserons à chacun le soin d’accorder ou non son crédit. Une seconde fait entrer en scène un personnage bien plus fréquentable, méconnu en dehors de son Auvergne natale, mais que les Montsalvyennes et les Montsalvyens n’ont pas oublié : Gausbert !
Gausbert est né il y a mille ans dans le nord de notre région. Il mena longtemps une vie solitaire, les mœurs quelque peu relâchées de la vie monacale à cette époque ne répondant pas à sa réelle piété.
Gausbert était un prédicateur itinérant. Vers 1070, sa vocation d’évangélisateur fut stimulée par l’octroi d’une terre par le seigneur local, le vicomte Béranger de Carlat, seigneur du Carladès. Gausbert arriva donc sur cette terre stérile et inculte, couverte de ronces et d’épines où se trouvait alors l’endroit qui allait devenir Montsalvy.
Gausbert y fonda une église, un hospice, c’est-à-dire un lieu d’accueil pour les voyageurs, potentiellement porteurs d’épidémies, et un monastère. Et il borna le terrain nouvellement mis à profit de quatre croix : une sauveté était née.
Typiques de ces XIe et XIIe siècles de développement agricole, économique et démographique, les sauvetés, nombreuses dans le sud de la France et absentes dans le nord, assuraient l’immunité à ceux qui s’y réfugiaient. La construction de l’abbaye impliquait l’emploi d’une main-d’œuvre abondante : échange de bons procédés donc, on payait son droit d’asile et sa sécurité par sa participation aux travaux monastiques, construction et mise en valeur agricole.
Mais comment les moines pouvaient-ils garantir à chacun de vivre en paix à Montsalvy ? Eh bien tout est dans les croix ! À une époque où rien n’existait de pire que de voir son salut mis en péril, qui se serait risqué à violer la securitas accordée aux colons dont le territoire était strictement délimité par quatre croix plantées aux points cardinaux ?
Mons salutatis, mont de la sauveté ou Mons salvii, mont du sauvé : le nom du village prend ainsi tout son sens, à l’instar de celui des Sauveterre et autres Salvetat éparpillés en Languedoc et en Gascogne.
Au premier coup d’œil, on devine l’origine médiévale de Montsalvy, qui a conservé l’organisation en lacis de ses ruelles et un patrimoine bâti dont l’austérité lui confère tout son charme. Mais quid des si précieuses croix des premiers temps ?
Juste retour des choses pour deux d’entre elles qui, après avoir protégé tant d’individus de la menace qui pesait sur eux, se voient à leur tour mises en sécurité au cœur de l’ancienne abbaye. Vous pourrez ainsi découvrir la croix de Sainte-Anne et celle du Cambon en poussant simplement les portes de l’église. Les vénérables pierres presque millénaires ont été remplacées en leur site d’origine par des copies, qu’on rencontre par hasard (et par chance !) au détour d’un chemin.
Quant aux deux autres croix, nulle ne connaît leur sort…
Un autre témoin du temps de la sauveté subsiste à Montsalvy : la chapelle du Reclus. Mais patience ! Nous en parlerons dans un prochain chapitre…
Sources : archives départementales et site de la commune de Montsalvy