Dans le Massif Central, c’est sous une forme particulière qu’étaient conservées les reliques des Saints : les statues-reliquaires ou plus largement les reliquaires morphologiques, c’est-à-dire revêtant la forme d’une partie du corps du dit Saint. Ce culte des reliques dont nos allons parler dans cet article, est étroitement liées à celui des Saints (voir la thématique des Saints thaumaturges), dont l’origine remonte aux sources du Christianisme…
Les premiers chrétiens avaient pour habitude de se rassembler autour des tombes des martyrs afin d’entretenir leur souvenir mais on évoqua bientôt les miracles qui eurent lieu en ces lieux saints…
Plus stupéfiant encore, l’état de conservation exceptionnel faisait de ces saints corps de véritables témoignages de la continuité de la vie après la mort. Si bien qu’on attribua aussi aux objets qui avaient été en contact avec eux des pouvoirs miraculeux…
Ainsi, on ne tarda pas à vouer un culte aux nombreux Saints… qu’ils soient martyrs ou non ! Les lieux où les reliques étaient conservées devinrent ainsi progressivement le siège de pèlerinages, de recueillement et de miracles !
D’ailleurs, les premières et principales manifestations du pouvoir des reliques s’exerçaient sur le corps humain comme ce fut le cas de guérisons miraculeuses ou d’exorcisme sur des corps possédés par le Démon. Bien entendu, le miracle espéré ne se faisait pas du jour au lendemain… Il fallait attendre parfois des mois voire des années avant qu’il opère !
Par la suite, le pouvoir des reliques s’est diversifié au fil du temps. Lors de batailles, elles purent s’avérer gage de victoire. Même sur la météo, leur influence était considérée comme capable de s’exercer, pour déclencher la pluie par exemple !
C’est le cas à Marcolès, où l’on a découvert en 1667 lors de travaux, un reliquaire caché sous le maître-autel et contenant 19 des ossements de St-Martin de Tours. Cinq d’entre eux sont aujourd’hui conservés dans la châsse dorée au centre du retable réalisé à la fin du XIXe siècle par un certain Mr Cantournet, un ébéniste aurillacois.
Cette œuvre en bois du XIVe siècle, à l’origine polychrome, représente l’évêque assis, à l’image des réalisations auvergnates du même type, et couvert de sa mitre. De sa main droite, il bénit la foule, alors que sa main gauche, refaite ultérieurement, adopte une posture sans doute différente de celle d’origine, qui brandissait probablement une crosse. Accessible par son dos, les reliques de St-Martin étaient nichées dans une petite loge creusée dans le bois.
C’est lors de processions organisées par l’Église que St-Martin était sorti de son sanctuaire afin d’enrayer une période de sécheresse par exemple.
Dans d’autres cas, c’est l’inverse qui était recherché lors de ce type de procession : mettre fin à un épisode de pluie. Ces processions étaient particulièrement attendues, surtout lorsqu’il s’agissait de la translation du Saint, c’est-à-dire de son transport depuis le lieu où il a été découvert jusqu’au sanctuaire où on avait décidé de l’abriter pour des raisons de prestige ou simplement de sécurité.
À l’époque où la statue-reliquaire de St-Martin exposée dans l’église de Marcolès a été sculptée, l’Église contrôlait et “validait” déjà depuis un ou deux siècles les reliques car leur dispersion et donc leur multiplication posait de plus en plus la question de leur authenticité.
Pour le cas de Marcolès, le parchemin qui accompagnait les reliques s’étant rapidement décomposé, ce ne fut qu’au milieu du XIXe siècle qu’elles furent officiellement authentifiées.
Aujourd’hui, la figure du grand évangélisateur de la Gaule, haute d’un mètre, est visible sur la gauche de l’église, à l’entrée du chœur.
Lui aussi protégé au titre des Monuments Historiques, le buste-reliquaire de St-Césaire à Maurs date du XIIe siècle et constitue véritablement un joyau de l’art religieux roman.
Désormais, il bénéficie d’une meilleure mise en valeur depuis le début de l’année 2024. On peut en effet contourner entièrement l’ancien évêque d’Arles, représenté ici à mi-corps et apercevoir ainsi la petite porte qui donne accès au crâne du prélat, et sur le revers de laquelle figure l’inscription Hic est caput sci Cesarii arelateusis epi, attestant qu’“ici se trouve le chef de St-Césaire d’Arles”. En effet, il s’agit bien du crâne entier du Saint qui est contenu dans la tête de la statue comme l’ont confirmé les rayons X du scanner ! Saviez-vous que St-Césaire a été déplacé au musée du Louvre en 2011 et étudié par des chercheurs américains ?
Hiératique, symétrique et frontal, St-Césaire est figuré à la manière des majestés romanes auvergnates. Ses mains hypertrophiées symbolisent sa puissance spirituelle. La droite, avec l’annulaire et l’auriculaire repliés, effectue le signe de bénédiction. Tout en bois, son corps haut de 90cm est recouvert de plaques d’argent, de cuivre doré et de pierres précieuses et semi-précieuses. Sa tête est peinte.
La présence de cette œuvre à Maurs est très certainement liée aux incursions sarrasines au IXe siècle dans le Sud de la France et à la nécessité de la placer en lieu sûr.
Sources : « Le culte des reliques« , Edina BOZOKY / « Marcolès et son église St-Martin« , Cahier des Amis du Patrimoine de Haute-Auvergne n°8 / POP (Plateforme Ouverte du Patrimoine en ligne) / « Trésors des églises du Cantal », Pascale et Pierre MOULIER