Au coeur de notre campagne castanhaïre, il n’est pas rare de tomber sur des lieux en lien avec des rochers étranges tels que “Pierre aplanie”, “Pierre de la trêve”, “Pierre plate”… Bien que l’on ne sache pas exactement à quoi se rapporte ces toponymes, on peut dire de manière générale que “roche” est bâti sur le mot latin rocca qui désignait autrefois un rocher fortifié ou une position stratégique comme un poste de gué. Cependant, il ne faut pas chercher des traces de châteaux fortifiés à tous ces lieux car le terme “roc” s’applique de manière globale à toutes les masses rocheuses importantes. Compte tenu de cela, nous allons plutôt voir ce que nous raconte la légende du culte des pierres…
Les gorges de la Cère réservent un joli spectacle aux amateurs de nature sauvage. Le terme “sauvage” peut sembler présomptueux lorsqu’on a à l’esprit le fait que l’étroite vallée est parcourue par une ligne de chemin de fer et est jalonnée d’aménagements hydroélectriques. Mais loin de gâcher le pittoresque et la quiétude des lieux, ces éléments renforcent l’attrait du parcours pédestre qui traverse les gorges de part en part car de nombreux panneaux d’interprétation agrémentent le chemin du promeneur tout au long des 35 kilomètres qui lui sont proposés.
Au début du parcours, côté Laroquebrou, on rencontre l’un des sites les plus intéressants de l’itinéraire : le rocher du Roi. Que l’on ne s’attende pas à y trouver les vestiges de quelque possession royale haut perchée : le site doit son nom simplement à la ressemblance que ses contemporains lui trouvaient avec le roi Louis XVI. Mais il est vrai que la paroi rocheuse dominant l’ample courbe de la rivière que l’on découvre en chemin en impose vraiment par sa majesté…
Non loin de là, un peu plus au sud, un autre site rocheux évoque la forme d’un visage humain, mais ce n’est pas cela qui attire l’attention au premier abord. La croix et les épaisses stries qui surmontent le Roc Rôti laissent à penser qu’on se trouve face à une double construction mégalithique humaine. Or l’homme n’est pour rien dans la présence, un peu incongrue il est vrai, de cet imposant amas en bord de route, ni même dans la faille qui le scinde en deux blocs de dimensions semblables. Tout cela est l’œuvre de la nature, et n’est donc ni un dolmen ni un menhir comme on l’a longtemps supposé. Mais le lieu a depuis toujours inspiré les hommes, et il semble même qu’au temps de nos ancêtres celtes, il ait été le théâtre d’un culte druidique où se pratiquaient des sacrifices animaliers. La présence de petits tas de pierres cernant le Roc Rôti était d’ailleurs cette hypothèse.
L’étymologie est plus hasardeuse, mais on suppose qu’elle est liée à la pratique d’un culte dédié au soleil. Plus manifeste est bien sûr la christianisation du site en des temps moins lointains. De nos jours, ce sont les randonneurs qui ont le plaisir de s’interroger sur le rôle de cette étonnante construction rocheuse, puisque le site se trouve sur le parcours d’un itinéraire de 6km, qui débute et s’achève dans le village de St-Saury tout proche.
Au beau milieu de la Châtaigneraie Cantalienne, un autre endroit un peu mystérieux ne manque pas d’interroger. Beaucoup plus discret que le Roc Rôti à St-Saury, il s’agit d’un tas de cailloux qu’on rencontre au lieu-dit Peyral, près du hameau de Martory. On dit que ce petit tumulus est d’origine gauloise et que nos ancêtres le consacraient au dieu Mercure, à qui il convenait de jeter une pierre afin que son âme ne soit menée en enfer.
Plus tard, Mercure étant aussi en charge des amours des autres dieux, cette pratique d’ordre religieux fut dévoyée en sorte de jeu : on raconte que les Leynhacois dont l’épouse était infidèle étaient contraints d’aller déposer une pierre sur ce monticule.
Les historiens parlent de “montjoies” pour désigner ce genre de tas de pierres qu’on trouve au bord des chemins. Autrefois les gens se déplaçaient beaucoup, contrairement à ce qu’on imagine souvent, et ils se déplaçaient à pied. L’approche de leur destination constituait ainsi un évènement notable, qu’ils célébraient donc en participant à l’accumulation de cailloux.
Il est courant que le Diable soit mis en cause lorsque des blocs de roche s’éparpillent dans la nature de façon, disons… “inexplicable”. Le site des rochers du diable ne fait pas exception.
De nos jours, cet endroit qu’on désigne également sous le nom de Mur du diable est prisé des amateurs d’escalade, qui y trouvent un lieu idéal pour s’initier à leur activité. Mais bien avant que nos connaissances en matière de géologie nous aient permis d’identifier cette anomalie dans le doux paysage des abords de la vallée du Lot comme un simple filon granitique, une légende disait que cette barrière rocheuse était le résultat de l’insatisfaction du Diable. Comment cela ? Le diable ayant une dent contre les habitants de Junhac, il décida de les punir en les enfermant. Il ramassa donc des pierres – des très grosses pierres -, qu’il disposa dans son tablier afin de les transporter jusqu’à Junhac. Mais juste avant qu’il puisse bâtir la prison qu’il réservait aux malheureux habitants, une jeune fille l’aperçut. Effrayée, elle fit immédiatement un signe de croix, ce qui provoqua la chute des pierres du tablier et leur parfait alignement, un peu en amont du village. Le diable disparut et les Junhacois purent continuer ainsi à vivre au grand air…
Non loin de la cité médiévale de Marcolès, se dresse semble t-il depuis toujours, le Rocher de St-Géraud. Surmonté d’une petite croix et de forme arrondie, il aurait été le lieu d’un exorcisme puisque c’est là même que St-Géraud mis fin au sortilège d’Andral, l’un de ses compagnons de route, qui se vantait de pouvoir sauter au-dessus du rocher. Le Malin était encore une fois l’auteur de cette supercherie car une fois le signe de croix prodigué par St-Géraud, il fut impossible pour Andral de sauter de nouveau au-dessus du rocher !
A la sortie de Marcolès, en prenant la direction de Boisset, un panneau indique un curieux endroit, au détour d’un petit bois, nommé “rochers de Faulat”. A y regarder de plus près, il s’agit d’un amas de rochers granitiques, empilés par endroit, dispersés à d’autres, appelés mégalithes. Comme pour le Trou de Diable, ce chaos rocheux trouverait son origine au pays des légendes puisque c’est le Diable en personne qui l’aurait façonné de ses mains… à moins que ce ne soit un géant passé par là qui aurait fait tomber les rochers au sol… à vous d’en juger !
Sur la commune de St-Projet-de-Cassaniouze, en arrivant en vallée du Lot, il existe un lieu nommé “le rocher de Madame”. Sa caractéristique réside dans le fait que ce rocher porte 3 empreintes distinctes : une pantoufle de dame, un fer de mulet et un fer de cheval. Selon la légende, c’est en ce point que se rejoignaient les territoires des seigneurs de Sénezergues, de Roquemaurel et des dames du couvent. Mais attention, cette “madame” en question qui donne son nom au rocher pourrait en fait être un fée ; les 2 appellations étant souvent interchangeables !
Sources : Guide de l’Auvergne mystérieuse et Croyances, légendes et traditions populaires dans le Cantal de Pierre Moulier, lieuxsacres.canalblog, cantalpatrimoine