La légende et l’histoire s’entremêlent bien souvent, et ce d’autant plus que le récit en question est ancien. La légende naît d’ailleurs souvent des failles de notre mémoire… et de son besoin d’amplifier les souvenirs.

L’histoire d’Escalmels, sur la commune de Saint-Saury, part de faits bien documentés que nous allons vous relater. Elle est indissociable de celle d’une certaine Luzette, à qui la postérité prête un destin si romanesque qu’il laisse lieu à plusieurs interprétations.

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La charmante chapelle d’Escalmels, qui se laisse découvrir aux confins du Cantal et du Lot, est le dernier vestige d’un prieuré. Son origine est liée à la décision d’un noble poitevin de la première moitié du XIIe siècle de mener une vie d’ermite, qu’il jugeait plus conforme à ses aspirations spirituelles que la vie en monastère à laquelle il s’était consacré jusqu’alors à l’abbaye de Beaulieu-sur-Dordogne.   

La réputation de vertu de Bertrand de Griffeuille impressionna tant les gens des alentours que sa notoriété attira bientôt l’attention de seigneurs de la région. Ainsi, à l’aide de son disciple Guillaume Robert, venu entre-temps partager son isolement, Bertrand sera l’initiateur de la construction de pas moins de neuf prieurés placés sous la dépendance de l’abbaye angoumoisine Notre-Dame de La Couronne. 

La dernière en date de ces fondations fut Escalmels, au beau milieu du XIIe siècle. Les premiers moines qui l’occupèrent défrichèrent les environs, creusèrent les canaux d’alimentation du moulin (qu’on pouvait encore visiter il y a quelques années) ainsi que plusieurs étangs destinés à la pêche. Un peu comme partout en Europe en somme…

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L’histoire prit une tournure inhabituelle un siècle après la fondation du prieuré, lorsque intervint Luzette.

À l’époque, l’établissement religieux avait dans son escarcelle la forêt voisine, qu’elle exploitait bien entendu afin d’en tirer des revenus. De l’autre côté du bois, à Sousceyrac, le seigneur local voyait cette situation d’un mauvais œil. Connaissant l’âge avancé du prieur d’Escalmels, il échafauda un plan qui ne tarda pas à prendre réellement forme.

Voici comment les choses se déroulèrent, à en croire certaines voix : jugeant sa fille “inutile”, il décida de la faire passer pour un garçon, moyennant l’accoutrement adéquat, et l’envoya à Escalmels.

Les moines firent le meilleur accueil au descendant d’un si prestigieux personnage, et lorsque le prieur rendit l’âme, ils lui confièrent les rênes de leur communauté. Ce dont ils ne se doutèrent pas, c’est que leur nouveau prieur s’empressa de faire de son père propriétaire de la forêt ! Forêt qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de forêt de la Luzette.

Selon d’autres sources toutefois, Luzette n’aurait pas eu un rôle si passif, c’est même elle qui serait à l’origine de l’attribution à son géniteur de la fameuse forêt. Si l’on en croit cette variante de la légende de Luzette, la jeune femme refusa d’épouser le rival de son père, le seigneur de Castelnau, et profita de la prochaine absence de l’autorité paternelle pour cause de croisade pour s’enfuir du domicile familial. Prise de remords, elle se pressa d’aller lui demander pardon à son retour, pardon qui fut conditionné par l’”infiltration” du prieuré d’Escalmels par la demoiselle.

La suite de l’histoire, vous la connaissez… et l’origine du nom de cette forêt qui sépare le Lot du Cantal aussi !

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Avec plus de certitude, on sait que le prieuré continua de se développer malgré cette perte foncière et qu’il atteignit son apogée à la fin du Moyen Âge. Hélas, le siècle suivant et les guerres de Religion qu’il engendra sonnèrent son glas : les moines, qui s’étaient convertis au protestantisme, mirent brutalement fin à quatre siècles de prospérité en brûlant leur propre monastère !

Cet évènement dramatique eut lieu en 1551. À l’issue de ce sanglant conflit civil, la chapelle seule fut reconstruite : c’est elle que l’on admire aujourd’hui. Quant aux ruines des bâtiments, elles servirent de carrière aux bâtisseurs des maisons de Saint-Saury. Depuis sa renaissance, la chapelle est consacrée à saint Eutrope, qui fut le premier évêque de Saintes et dont le culte est encore bien vivace dans le centre-ouest de la France. À Saint-Saury, un pèlerinage continue d’y être organisé le premier dimanche de mai.

Eutrope est invoqué en cas de maux de tête ou bien d’opérations liées à cette partie du corps. Et pour cause, l’histoire (ou la légende ?) fit de lui un martyr suite à un coup de hache fatal qu’il reçut au crâne… 

Source : lieuxsacres.canalblog.com/archives