Que Dieu et Satan aient choisi la Terre comme terrain d’affrontement privilégié est chose communément admise. Mais que l’existence de trois des principales cités de la Châtaigneraie en ait été la conséquence directe en surprendra plus d’un !
Dieu parcourait inlassablement le ciel accompagné de ses anges. Alors qu’il passait aux abords de ce qu’on appellerait les monts d’Auvergne, il s’adressa en ces termes à Satan, qui lui aussi sillonnait les cieux escorté d’une nuée d’anges déchus : “Regarde comme toute la création s’incline soumise devant moi, comme tout m’honore et me glorifie(…)”.
La vue de tous ces peuples inclinés devant la Croix blessèrent l’orgueil de Satan et l’incitèrent à défier Dieu : “Qu’il me soit permis d’élever ici mon autel en présence de votre autel, ma cité en face de votre cité, et nous verrons quelle ville demandera la plus large enceinte et quel temple verra le plus d’adorateurs.”
La requête saisit d’effroi les anges fidèles, mais c’était sans compter sur le dessein du Créateur, pour qui la lutte entre le bien et le mal devait régner à jamais ici-bas : il y accéda.
Le chœur des forces du mal retentit alors à l’unisson et Lucifer déploya ses ailes pour aller se jucher sur le rocher de Ronesque.
Du haut de son promontoire, il arracha un premier poil de sa barbe, qu’il soumit au souffle capricieux du vent. Il ne le perdit point du regard tout au long de son parcours, tantôt effleurant la surface des collines, tantôt s’élevant haut dans les airs. Le poil démoniaque acheva sa course près du sommet du puy de l’Arbre. Des remparts surgirent aussitôt du sol et un hymne fusa en hommage à Satan.
Comblé d’aise, le malin laissa libre d’aller un autre de ses poils de barbe, qui prit une direction tout opposée : celle de la basse vallée de la Rance. À l’instar de Montsalvy, Maurs jaillit du sol et répondit au diabolique vacarme de Montsalvy à l’identique.
Grisé par son succès, Satan se dégarnit d’un troisième et dernier poil de barbe et le propulsa d’un souffle puissant par-delà les collines et les vallées, faisant ployer les arbres qui se dressaient sur son chemin. L’ultime poil finit sa course aux limites de l’endroit où il avait été permis à son propriétaire d’étendre son emprise, sur les bords de la Cère. Et Laroquebrou se joignit aux grâces que ses deux sœurs rendaient à leur maléfique créateur.
Mais la victoire de Satan ne résista pas au temps. Au fil des siècles, il vit avec dépit ses autels se déserter, puis ceux du Créateur s’élever sur leurs ruines.Sur le puy de l’Arbre, saint Gausbert fit sortir de terre la sauveté de Mont-du-Salut, qui deviendra Montsalvy. Dans la vallée de la Rance, les moines d’Aurillac érigèrent un monastère autour duquel se développa Maurs. Dans celle de la Cère, c’est sous les pieds de la Vierge que le fief du maudit est désormais enseveli. Quant au piédestal du diable, la légende ajoute qu’il laissa une odeur de brûlé si désagréable que l’endroit ne pouvait se trouver que près de Roussy…
Sources : « Légendes d’Auvergne » de Ludovic Soubrier