Qu’elles sonnent à la volée pour un mariage, un enterrement ou un désastre, les cloches font toujours partie de nos vies modernes mais connait-on réellement leurs symboliques oubliées ?

Leur tintement fortuit résonne toujours agréablement à nos oreilles, mais pour la plupart d’entre nous, il ne constitue plus guère qu’un simple et occasionnel décor sonore. Pourtant, jusqu’au XIXe siècle et l’essor des machines, seules les cloches avaient le pouvoir d’émettre des sons mécaniques capables de se propager aussi loin qu’à la lisière des paroisses. Mais leur autorité s’étendait bien au-delà des limites que la technique leur imposait… Cette prérogative leur conférait un rôle social qui débordait du champ de la religion. Comme elles le font toujours, les cloches convoquaient le peuple aux offices, mais elles alertaient de dangers imminents – incendies ou attaques par exemple -, indiquaient le chemin à suivre aux visiteurs égarés par le brouillard ou la neige et rythmaient les réunions festives des communautés.

Leurs mélodies imprégnaient la vie des gens, si bien qu’il était – et qu’il est toujours – d’usage de les baptiser, en suivant le même rituel que s’il s’agissait d’un jeune enfant : le revêtement d’une aube, la désignation d’un parrain et d’une marraine, l’attribution d’un nom, enfin la bénédiction enregistrée sur le registre paroissial.

Nos ancêtres attribuaient à leurs cloches la faculté d’éloigner les intempéries. Dans chaque paroisse, un sonneur avait pour mission d’aller agiter les cloches afin qu’elles éloignent l’orage ou la grêle qui s’annonçait. A Laroquebrou, il est d’ailleurs gravé sur l’une des cloches une prière en latin afin de “chasser” les caprices du temps. Dommage pour les voisins un peu moins réactifs qui, logiquement, devaient hériter des trombes…

Plus surprenant encore, on octroyait aux cloches le pouvoir magique d’éloigner les personnages maléfiques ou diaboliques, sorciers ou esprits qui avaient la mauvaise idée de s’aventurer aux abords des villages, rebutés par leur son cristallin si nimbé de vertu.

Et puisqu’elles étaient baptisées et, à ce titre, considérées sur le même pied que l’être l’humain, pourquoi ne pas croire qu’elles puissent aussi se venger de celui qui s’était abstenu de participer à leur financement en le privant de glas lors de ses funérailles, comme ce fut le cas à Mourjou, disait-on ?

La Révolution Française mit fin à ces coutumes. La refonte des cloches à des fins monétaires et militaires, qui rendit le ciel de France soudain quasi-muet, ne fit d’ailleurs qu’accroître leur aura auprès des contemporains. À tel point que les légendes abondèrent autour de leurs destins respectifs. L’intarissable imagination humaine se chargea de sceller le sort de celles qu’on ne revit jamais…

Au bord du Lot, les sables permirent de dissimuler les trois cloches de Vieillevie le temps que passe l’orage révolutionnaire. Les dates qu’on peut lire sur chacune d’elles, toutes antérieures à 1789, attestent la probable authenticité de cet épisode.

À Lacapelle-en-Vézie, on entendait parfois sonner les deux cloches qui avaient échappé à leurs bourreaux en dévalant la pente qui les avait plongées dans l’étang en contrebas. Là-bas, par contre, lorsqu’il fut entrepris de vider le plan d’eau, on devine bien les quelques déconvenues qui accompagnèrent la découverte d’une surface… parfaitement vide.

Du côté de Montvert, plus sûrement encore était ensevelie la cloche d’un prieuré qui continuait malgré tout, du fond de son étang asséché, de résonner à l’approche des orages.

En parlant d’étang, en longeant celui de Parlan, pensez à la légende des cloches du village sur lesquelles, un jour de mystère, les eaux se refermèrent… 

Même scénario à Leucamp, où les cloches furent supposées avoir trouvé refuge dans un bien arrangeant bourbier, sans que quiconque depuis ne put jamais apercevoir la robe de l’une d’entre elles. Une autre version racontée par Maurice Combes en 1988 veut que les cloches aient été immergées dans un « gourd » (trou d’eau) du Longayroux : « Au temps de la guerre de Cent Ans, les Anglais emportèrent les cloches de l’église de Ladinhac, mais en traversant les gorges de Foissac, ils glissèrent, et se noyèrent dans le gouffre, entraînant les cloches avec eux. Depuis, tous les ans, le soir de Noël, le son mélancolique des cloches englouties, retentit dans ces gorges sauvages ».

Quoi qu’il en soit, si les cloches ont quelque peu perdu de leur mystère, les fameuses querelles de clocher semblent avoir toujours de beaux jours devant elles, avec ou sans orages ! Sauf au village double de St-Santin-de-Maurs et d’Aveyron où le sonneur de cloche est commun aux 2 églises distantes de quelques mètres seulement mais pourtant dans 2 départements et 2 régions bien distincts ! Cette étonnante division administrative aurait eu pour but de régler justement une querelle de paroisses en 1790. À l’époque, les curés se faisaient la guerre si bien que celui de l’Aveyron sonnait les cloches pendant le sermon de celui du Cantal et inversement !

Sources : « Croyances, légendes et traditions populaires dans le Cantal » de Pierre Moulier et www.pays-veinazes.com