La singulière aventure de la mine de Leucamp et l’exploitation du wolfram n’aurait peut-être jamais eu lieu sans la bévue d’un modeste ouvrier… On vous raconte…
Depuis quelque temps, le Leucampois Urbain Bramarie gagnait sa vie en cirant les parquets parisiens de ceux qui avaient les moyens d’abandonner cette tâche à d’autres.
Un beau jour de 1910, alors qu’il s’échinait à redonner son lustre au parquet d’un certain M. Grove, britannique de naissance et professeur de chimie de son état, il fit malencontreusement tomber de son bureau une pierre, qui se cassa en deux en frappant le sol. À l’étonnement du Cantalien, l’Anglais fut fort contrarié de la perte de ce qu’il considérait comme une trouvaille rare et précieuse, car la pierre était très familière à son employé : “On en trouve plein dans les champs autour de chez moi, on s’en sert même à empierrer les chemins !”
Grove ne jugea pas bon d’accorder du crédit aux propos de Bramarie, qui ne réussit à le convaincre qu’en profitant de ses vacances au pays pour lui ramener un plein sac de la matière en question. Quelle ne fut pas la surprise du chimiste à la vue de cet incroyable cadeau !
Quelques semaines plus tard, on le trouvait sur place, pressé de constater de ses propres yeux la véracité des dires du Cantalou. Avant la fin de l’année, les premières recherches officielles furent menées avec l’aval des propriétaires terriens concernés.
Mais au fait, pourquoi un tel engouement pour le wolfram ? Parce que ce minerai contient du tungstène, un composant des aciers les plus résistants qui soient. À la veille de la Première Guerre mondiale, on imagine aisément les usages que l’industrie envisageait pour ce matériau…
L’exploitation débuta modestement en 1916 avec l’emploi de quelques prisonniers allemands. Elle s’accéléra à la fin de la guerre avec l’intervention d’une société minière lorraine, mais pour une durée brève : en Mars 1919, l’entreprise d’extraction cessa, l’exploitation étant malaisée.
La mine n’est pas abandonnée pour autant et deux hommes sont même chargés de surveiller son état. Au fil des années, la perspective d’une reprise de l’activité s’éloigne pourtant dans l’esprit des habitants. Et comme vingt-cinq ans auparavant, c’est la guerre qui va faire renaître la mine de Leucamp. Elle est remise en état en 1940 et rouvre l’année suivante.
À partir de 1943, la mine accueille de nombreux jeunes du pays désireux d’échapper au STO en Allemagne. Certains sont affectés aux fouilles qui donnèrent jour à une autre exploitation dans la commune voisine de Teissières-les-Bouliès. Ils travailleront dès lors pour l’ennemi, mais en faisant en sorte de faire traîner la production, voire de détruire le tungstène mis au jour. La Résistance s’organise petit à petit et la plupart des ouvriers rejoignent le maquis local en Juin 1944.
À l’issue du conflit mondial, l’industrie a besoin de tungstène : il faut relancer la machine. L’immédiat après-guerre sera le point d’orgue de l’exploitation minière à Leucamp. La main-d’œuvre ne manquera pas, les salaires versés par la compagnie étant attractifs pour les modestes paysans ou ouvriers agricoles des environs. L’entreprise fit aussi appel à des mineurs de profession recrutés dans le Nord, ce qui permit aux locaux de développer leurs compétences à leur contact.
Hélas, la fin des années cinquante sonnera le glas de la mine à Leucamp. La guerre d’Algérie dispersa les jeunes mineurs leucampois, mais c’est surtout la concurrence chinoise qui scella le sort de la mine, qui cessa toute activité en 1959, deux ans après celle de Teissières.
Évidemment, le souvenir de cette petite épopée industrielle inattendue à Leucamp et Teissières ne pouvait s’éteindre, même après la disparition de ses derniers acteurs.
C’est ainsi qu’au début des années 2000, la Maison des Mineurs de la Châtaigneraie ouvrit ses portes au cœur du village de Leucamp. Une pièce de 2 € introduite dans le monnayeur et vous voici pris en main par la fille d’un mineur, qui pendant trente-cinq minutes vous dit tout sur l’aventure qu’a vécue son père et ses camarades.
Depuis 2023, un itinéraire de randonnée de 11 km intitulé “Du granit au wolfram” complète cette scénographie. Les traces de l’exploitation y sont désormais peu visibles, mais on profite d’une nature intacte… quoiqu’elle ne l’a pas toujours été ! Avec la promesse de jolies vues sur la vallée du Goul et l’Aveyron tout proche ainsi que d’un bain de fraîcheur des plus agréables au cœur de l’été…
Sources : www.leucamp.fr www.pays-veinazes.com et cantal.liens.free.fr