La discrète mais charmante commune de Teissières-lès-Bouliès met un point d’honneur à entretenir son joli patrimoine bâti mais aussi son histoire puisque l’eau y occupe une place particulière… Connaissez-vous la Font Salada ? Voici une aventure qui n’a pas toujours coulé de source…
La légende de la Font Salada, « la fontaine salée », part d’une vache qui venait régulièrement boire l’eau de cette source pour son goût… salé ! C’est en observant ce phénomène que les berges avertirent Désiré Reygasse, médecin de son état. Il commença donc à s’intéresser à cette source et en 1821, il fit réaliser de premières analyses… Grand bien lui en prit car cette eau, légèrement gazeuse, se révéla pourvue de vertus thérapeutiques ! Comme plusieurs fontaines dites « miraculeuses » en Châtaigneraie Cantalienne, la Font Salada se dotait de bienfaits médicinaux : diurétique, elle l’était en raison de ses sels minéraux (dont des taux de sodium, bicarbonate et calcium élevés) mais aussi digestive puisqu’elle est gazeuse ainsi qu’efficace contre le diabète, l’obésité, les maladies nerveuses… et avantageuse dans les maladies infantiles !
Après sa reconnaissance officielle comme « eau minérale naturelle » en 1847 par l’Académie de Médecine, l’eau de Teissières put donc être exploitée et reconnue à sa juste valeur : soit 6 000 bouteilles déjà en 1843, 24 000 en 1851, 400 000 en 1910… le succès ne se fit pas tarder…
Mais au fait, pourquoi est-elle gazeuse cette eau ? En Châtaigneraie, le terrain est largement fracturé de longue date suite à la très ancienne activité volcanique. Ces fractures ont permis au gaz carbonique emprisonné dans la roche (sur près de 25km de profondeur dans la croûte terrestre) de remonter à la surface via le transport de l’eau, ce qui a permis à certaines sources de se charger « en bulles ». L’eau de notre Font Salada trouve d’ailleurs sa source à près de 180m sous la terre. Il faut ainsi différencier cette eau dite « minérale » d’une « eau de source », plus faiblement minéralisée (c’est-à-dire moins chargée en sels minéraux).
La source était située dans un ravin, donc peu accessible. Pour cette raison, l’exploitation n’avait lieu qu’au Printemps et en l’Été. L’eau était embouteillée sur place directement, puis acheminée à dos d’âne au village où les bouteilles étaient ensuite étiquetées. La jeune entreprise avait acquis un entrepôt à Arpajon-sur-Cère, ce qui lui permit d’être expédiée et bue dans la France entière, y compris dans ses colonies les plus lointaines comme l’Indochine !
En 1921, ce sont 48 000 bouteilles qui sont vendues. Douze ans plus tard, le double : 99 000 !
En 1935, c’est la revente de l’entreprise par la famille du Docteur Reygasse. Avide de succès, le nouveau propriétaire voulut accélérer la modernisation du captage, mais fit de mauvais choix. Il fit dynamiter la roche alentour afin d’augmenter le volume recueilli, mais ne réussit qu’à mêler l’eau de sa source à celle du ruisseau voisin. Quant à la canalisation de 2 km de long qu’il fit installer afin de faciliter le transport de l’eau de la source vers la nouvelle station d’embouteillage, elle ne réussit qu’à faire perdre à l’eau son gaz en chemin…
Résultat : l’eau dépourvue de la plupart de ses qualités naturelles se vendit moins bien, d’autant que la concurrence était devenue rude. La faillite fut vite prononcée. À la fin des années trente, l’affaire fut de nouveau vendue, mais à des particuliers qui se désintéressèrent de l’exploitation…
Plus de quarante ans plus tard, en 1982, la commune de Teissières-lès-Bouliès entreprit de racheter l’exploitation de Fontsalada afin de relancer la commercialisation. Seulement, la source du docteur Reygasse était toujours aussi difficile d’accès, si bien qu’on décida de forer sur un autre site.
Eurêka, l’eau jaillit de nouveau ! Mais elle n’était pas gazeuse… Qu’importe, l’exploitation aura lieu quand même, avec la participation des Teissiérois, qui s’effectuera par le biais de souscriptions d’actions.
“La Cantoise” fut commercialisée à partir de 1986, mais elle peina à trouver sa place parmi les poids lourds de l’eau minérale française. Dès 1994, elle fut rachetée par la marque qui allait devenir le leader sur le marché français au XXIe siècle – celle dont le nom évoque la pureté et dont les sources multiples s’éparpillent dans toute la France – puis aussitôt fermée, au grand dam des villageois…
Redevenue propriété communale, la source de Teissières semblait dans l’impasse, le revendeur ayant imposé l’abandon de la commercialisation de cette eau en bouteilles. Qu’à cela ne tienne, c’est en bonbonnes cette fois que l’eau locale sera proposée !
Ainsi, depuis 1996, c’est sous l’appellation Puy du Soleil que l’eau de Teissières est disponible dans le commerce ! Aujourd’hui, l’usine de conditionnement de Teissières-lès-Bouliès libère pas moins de 700 000 bonbonnes chaque année, qui seront consommées dans les entreprises et les collectivités. Son exploitant, qui a la charge de trois autres usines en France mais a son siège à Teissières, est même le leader national sur le marché de l’eau minérale en bonbonnes !
Le site historique de Font Salada se découvre quant à lui à l’occasion d’une petite randonnée du même nom de 5,2 km au départ du village. Si vous prenez certainement plaisir à vous engouffrer dans le vallon boisé qui abrite la source, vous comprendrez aussi pourquoi son exploitation ne fut pas un jeu d’enfant !
En complément de cet itinéraire, la commune propose le Sentier du Patrimoine de 1,5 km ainsi que des commentaires audio dans les ruelles du village. Les clins d’œil adressés à l’histoire de la source vous amuseront sans aucun doute ! Ne manquez pas la fresque en mosaïque au niveau de la fontaine de la petite place du cimetière, réalisée en 2013 par Mme Bastien, après 542h de travail et 90kg de pâte de verre artisanale créée à Venise.
Sources : teissieres-les-boulies.fr, www.eureausources.com et www.lamontagne.fr