Il faut se motiver pour débusquer les ruines du jadis célèbre castel d’Auze, tant elles sont enfouies dans une végétation dense et à l’écart de tout chemin. Il faut dire que son abandon ne date pas d’hier : depuis le XIVe siècle – on cite la date de 1373, en pleine guerre de Cent Ans, pour situer précisément sa destruction par les Anglais – il est livré à la nature qui y a repris ses droits.
Brève fut donc l’histoire de ce château élevé sur une éminence, en surplomb du confluent de deux ruisseaux, et protégé par une double enceinte, de profondes douves et un donjon dominant l’Auze. Comme tant d’autres forteresses en somme, qui ont petit à petit sombré dans l’oubli…
À vrai dire, ce n’est pas la mémoire du château proprement dit qui s’est perpétuée à travers les siècles. C’est celle de la fameuse “dame du castel d’Auze”, l’une des plus fameuses troubadouresses – ou trobairitz en parler occitan – auvergnates. Na de Casteldoza, telle qu’on l’appelait dans la langue de l’époque, appartenait à la famille d’Escaffre, qui était à l’origine de la construction du château.
Jeune femme, au début du XIIIe siècle, elle épousa un certain Turc de Meyronne, originaire du Gévaudan, ce qui la tint à l’écart de sa famille, de son castel, mais aussi de son chevalier de mari lui-même car celui-ci, en bon féodal, étant parti guerroyer en Terre Sainte dans le cadre de la quatrième croisade.
Et que faisaient alors les unes lorsque les autres, leurs nobles maris, faisaient la guerre ? Elles écrivaient des poèmes d’amour… du moins lorsque leur culture et leur talent le leur permettaient, ce qui n’était bien entendu pas courant ! Notre dame – qui n’était alors du reste plus “du Castel d’Auze” mais du château de Meyronne – faisait toutefois partie de ce cercle fermé de poètes-compositeurs cultivés, les troubadours et troubadouresses, dont elle connut d’ailleurs l’âge d’or.
C’est un châtelain périgourdin, le bel Armand de Bréon, qui fit l’objet de ses élans amoureux et suscita les lignes que les spécialistes de l’amour courtois considèrent comme parmi les plus charmantes de l’art en question. Quant à ses compositions, qui étaient diffusées et interprétées de village en village, de foire en foire, par les ménestrels, elles ne nous sont pas parvenues…
Jusque tard dans sa vie, notre troubadouresse participa aux cours d’amour, ces sortes de joutes poétiques lors desquelles il était aussi discuté de questions amoureuses et qui respectaient strictement les codes de l’amour courtois, du fin amor. Pour les dames de la noblesse, les cours d’amour constituaient le pendant de ce que la guerre représentait pour les hommes.
Si le thème de l’amour a toujours le même succès auprès des troubadours modernes, la vue des ruines du castel d’Auze ne manquera pas de vous rappeler que le temps a malgré tout fait son œuvre…
Cela dit, le parcours de randonnée qui aboutit aux vestiges du château qui lui a donné son nom a bien d’autres attraits, à commencer par le château de Réghaud, à proximité immédiate du village de Sénezergues. Édifié à partir du XIVe siècle, il a lui eu la chance d’être reconstruit après le passage des troupes anglaises. D’une architecture typique de la région, avec ses quatre tours rondes coiffées de toits coniques qui encadrent un corps de bâtiment rectangulaire, il a gardé belle allure et constitue une juste récompense pour les yeux des randonneurs qui achèvent leur parcours.
D’une longueur d’une douzaine de kilomètres, au départ du village de Sénezergues, cet itinéraire a pour point d’orgue les gorges du Don qu’a creusé en profondeur la petite Auze, modeste affluent du Lot. Ses pentes boisées sont de toute beauté, surtout lorsqu’une fine brume automnale les nimbent d’un certain mystère. Avec un peu d’imagination, l’écho des chansons de la dame du castel d’Auze vous parviendront peut-être du fond de la vallée…
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Sources : senezergues.fr / pandesmuses.fr / geneprovence.com