Depuis l’Antiquité, la croisée des chemins se pose en véritable carrefour de superstitions et de légendes. Il y a, en effet, un symbolisme de la croisée des chemins et souvent les carrefours provoquent ce que l’on nomme chez nous une « peur ». D’ailleurs, il n’est pas rare que ces lieux aient été honorés d’une croix en signe de “panneau indicateur” (comme nous l’avons vu dans un précédent chapitre) mais aussi dans un esprit de conjuration. Meurtres, réunions de sorcières, forêts hantées, loups… Un carrefour sur une route n’est pas là par hasard, au contraire il est le témoin intemporel de rencontres surnaturelles passées…

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Cette crainte des croisements est rarement fondée sur quoi que ce soit de tangible, mais souvent liée au mythe des “chasses volantes”.

En effet, ce mythe largement répandu en France revêt différentes formes selon les régions, mais émane des bruits mystérieux que livre la forêt une fois la nuit tombée – cris plaintifs d’oiseaux, hennissements, hululements, miaulements et autres hurlements sauvages. On attribuait parfois ce tintamarre au passage d’un “Grand Veneur”, c’est-à-dire d’un chasseur à courre, accompagné d’une meute infernale !

Soyons plus précis : selon une légende générale, le Grand Veneur en question est toujours maudit pour avoir enfreint une règle sacrée : quitter la messe en cours pour partir à la chasse, par exemple. Avec toujours pour conséquence la condamnation d’être pris dans une effroyable tempête qui le lance à la poursuite éternelle d’un gibier que ni lui ni ses compagnons, chiens et chevaux n’atteindront… mais que le voyageur égaré pourrait bien trouver sur son chemin et, dans ce cas, malheur à lui s’il n’a pas effectué les dévotions nécessaires au préalable ! 

Dans le Cantal, c’est sur les pentes sud du Plomb qu’une chasse volante sévit plusieurs siècles durant. Mais celle-ci instilla la peur à des lieues à la ronde, et jusqu’en Châtaigneraie. Selon la légende locale, “si la Sainte Vierge a pris le passant sous sa protection, il sera simplement témoin du plus étrange des spectacles : la meute, composée d’un nombre infini de chiens, passera devant lui, haletante, la gueule ouverte, mais pas un cri ne sortira de ces gueules enflammées. Des piqueurs en costume écarlate, les yeux en feu, emboucheront leur trompette insonore et comme complément de cette ronde, viendra le Grand Veneur maudit lui-même, vêtu aussi d’écarlate, un fouet à la main”. Sinon, le malheureusement passant sera perdu et disparaîtra à jamais sans qu’aucune trace de lui ne soit retrouvée.

Ces récits de chasses volantes sont légions dans le Cantal mais à Glénat a été cité plus précisément une histoire de cette chasse infernale. Cortège fantastique composé de chiens sauvages et de chevaux ailés, c’est au cours d’une véritable partie de chasse qu’un dénommé Alphonse Aymar a été témoin de cette apparition vers le lieu-dit Camp Marue ; apparition qui fut confirmée aussi selon la légende par des aubergistes de la Balbarie qui rassurèrent d’ailleurs Alphonse à ce sujet : “(…) la chasse venait souvent dans les parages et qu’il ne fallait pas s’effrayer car il n’y avait aucun danger pour celui qui l’entendait”.

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En se baladant dans la cité de Laroquebrou, l’on passe inévitablement par la place du Coq ; coq qui orne la croix en bois, marquant l’ancien carrefour entre les directions de Aurillac et Salers. Cet animal n’est pas là par hasard : en véritable symbole chrétien, il évoque la fin de la vie terrestre du Christ mais il s’agit aussi d’un animal solaire qui annonce un jour nouveau et qui rythmait de son chant la vie de nos ancêtres. Ainsi il marque cette idée de résurrection chrétienne et de renouveau d’où sa présence sur les clochers et monuments au morts. En véritable animal totem instillé par la religion chrétienne, il surmonte également la croix en signe de protection au lieu exact de cet ancien carrefour très fréquenté.

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Il existe des routes aux noms très évocateurs… Celui de “Passe-Vite” par exemple préconise de ne pas s’attarder trop longtemps sur le lieu… En Châtaigneraie Cantalienne, l’on retrouve ce lieu-dit sur les communes de Maurs et de Nieudan. Ce toponyme particulier évoquerait un lieu désert et dangereux à cause de la présence de brigands, de bêtes sauvages ou autres ombres obscures…Passe-Vite est donc un réel avertissement, tout comme “Avise-toi” qui n’engage pas à plus de confiance ! Vers St-Etienne-Cantalès, mieux vaut réfléchir à deux fois avant de traverser ce lieu-dit qui évoquerait également une lande à découvert, potentiellement difficile à franchir pour toutes sortes de raison pour le voyageur solitaire… Gare à vous !

Sources : « Croyances, légendes et traditions populaires dans le Cantal » de Pierre Moulier, « Origine des Noms de Villes et Villages », J-M Cassagne et Mariola Korsak et « Littérature orale de l’Auvergne » de Paul Sébillot.