Notre Châtaigneraie conserve encore, jalousement gardés, quelques lieux comme figés dans le temps… Situés hors des sentiers battus, c’est souvent au cours des conversations avec nos anciens que nous en apprenons l’existence. En lien avec le chapitre n°19 de notre thématique, découvrons aujourd’hui la légende de ce qui fut jadis, la forteresse de Toursac !
Lorsque l’on arrive sur les lieux, il est difficile de s’imaginer qu’il y avait autrefois le château de Toursac, la forteresse ainsi que la ville, tous 3 réunis et semble t-il situés sur un seul et même promontoire.
Tantôt « château de Boisset », tantôt « forteresse de Toursac », l’appellation a quant à elle variée au cours des siècles et selon les histoires et légendes locales…
Quoi qu’il en soit, les bribes de noms qui nous sont parvenus sont en lien avec sa situation géographique. Bien qu’aujourd’hui quasiment invisible pour le promeneur non averti, les restes du château sont situés au fond d’un ravin dans un méandre du ruisseau de Toursac. Sur son vieux promontoire naturel, l’édifice se dressait aux confins de nos communes actuelles de Boisset (dont il était la propriété) et de Rouziers ; St-Julien-de-Toursac se trouvant à proximité (voir l’histoire du Vieux St-Julien dans le chapitre n°19).
Pour les amoureux de découvertes et de trésors du patrimoine bien cachés, il existe un chemin de terre reliant le hameau de Lauressergues (côté Boisset) et de la Cornélie (côté Rouziers). A pieds, vous devrez descendre au fin fond de cette contrée, isolée de toute habitation, peuplée de prades humides et de fougères. Là, point de carte ! Ne comptez plus que sur le murmure du ruisseau pour vous guider. Envahi par les arbres qui y ont repris leurs droits, l’ancien promontoire passe pour ainsi dire, inaperçu… Votre chemin le contournera, peut-être sans que vous y ayez prêté attention et lorsque sera venu le moment de franchir le Toursac, vous l’aurez déjà dépassé… Ouvrez l’oeil !
Il existe selon les dires, un chemin de crête qui permet une accession plus aisée de ce lieu. D’ailleurs, des ornières creusées dans la roche du soubassement témoignent encore d’une fréquentation importante de chars à bœufs montés sur roues en bois cerclées de fer…
La consultation d’un texte signé par Monsieur Félix Jalenques nous renseigne sur l’histoire du château de Toursac ainsi que des relations importantes entre les seigneurs successifs du château et la gestion courante de la forteresse.
Déjà au Moyen-Age et même certainement avant, la vallée du Toursac constituait un passage fréquenté par les hommes (cultivateurs, brigands, armée, migrants etc..) et par les troupeaux transhumants. C’est peut-être une des raisons, outre celle que ce lieu est naturellement protégé par un relief escarpé, pour laquelle fut construite cette place forte destinée à un contrôle des flux et à la perception d’un droit de passage.
A moins que la forteresse ait été un genre de réserve alimentaire ? Et pourquoi pas une forme de garnison mobilisable rapidement si le besoin s’en faisait sentir ? En effet, il existe plusieurs hypothèses au sujet de l’intérêt et de l’emplacement de cette forteresse… Probablement également, les occupants étaient des sentinelles, qui en cas de danger pour leur vie, pouvaient se replier dans ce lieu pour se protéger. Il semble qu’il en soit de même pour les résidents alentour…
Plus précisément, au sujet de sa construction, aucune date ne nous est parvenue mis à part un signalement en 1176 dans un testament d’Henri 1er, alors Comte de Rodez. Par testament toujours de 1219 et codicille de 1221, Henri 1er léguait à Bertrand de Bor, pour dix ans, les revenus de cette baillie.
Au total, vers 1232, 24 partiaires se divisaient le château de Toursac. En effet, il semblerait que le château ait été édifiée au départ avec le concours de plusieurs seigneurs des environs. Cette caractéristique faisait de chacun des seigneurs des « partiaires » ; chaque partiaire pouvant céder ses parts.
Par la suite, des cessions de parts eurent pour effet de réduire le nombre des « copropriétaires ». Ceux voisins directs de Toursac, furent parmi les détenteurs les plus persistants…
Plus tard, en 1374, les seigneurs Bertrand de Rochefort et Bertrand de Rouziers furent eux aussi mentionnés comme partiaires, tout comme Géraud de Naucaze.
Ensuite, vers 1400, Toursac fut pris et ravagé par les Anglais. Cependant, il semble que les vestiges aient été encore suffisamment importants pour qu’en 1657, le titre de châtellenie soit encore usité.
Enfin, la démolition de cette forteresse s’est opérée vers 1687, période de sa probable disparition et les matériaux de la construction du château furent pillés et recyclés dans l’édification des bâtiments des villages voisins.
Propos recueillis de Madame Julia Laveissière, née Pompidou, le 9 Février 1912 :
« Il était dit qu’à Toursac, il y avait une peau de veau remplie de pièces d’or.
Un jour plusieurs personnes convoitant ce trésor complotèrent et entreprirent de se rendre sur les lieux pour se l’accaparer. Ce groupe d’individus s’est constitué sur le territoire de la commune de Boisset, lieu à partir duquel fut lancée l’offensive.
Aux Estresses, des habitants plus ou moins guetteurs avaient deviné, lors de leur passage au village de Lauressergue, leurs intentions et leur destination.
Constatant qu’ils n’étaient en mesure de rivaliser pour anéantir cette initiative, ils imaginèrent une stratégie de représailles. C’est ainsi qu’ils entreprirent de regrouper tous les troupeaux de chèvres présents sur la commune de St-Julien-de-Toursac.
Au crépuscule, furent accrochées des torches en feu à toutes les cornes. Les animaux ainsi parés furent conduits par les belligérants sur le chemin qui descend vers le trou de St-Julien.
Les comploteurs voyant cette troupe, et dans l’incapacité de l’identifier, s’enfuirent et renoncèrent définitivement à leur projet ! »
Sources : Jacques Paramelle, agriculteur à la retraite et passionné de patrimoine