On s’en douterait rien qu’à l’évocation de son nom, la Châtaigneraie Cantalienne ne manque pas de verdure. Mais lorsque l’on contemple la canopée de par chez-nous, on ne se doute pas que certains arbres sont remarquables, voir légendaires… Voici donc un petit tour d’horizon de nos vénérables ancêtres à feuilles !
L’âge d’or de l’Arbre à Pain, comme on le surnommait jadis, n’est pourtant pas si loin.
Les plus anciens d’entre nous en ont d’ailleurs connu la fin, eux qui ont grandi pendant la guerre. Il y a un siècle, le châtaignier était encore indispensable à la vie des villageois : ils l’utilisaient pour en faire des charpentes, des parquets, des meubles… Au fait, saviez-vous que le bois de châtaignier est imputrescible et repousse les araignées ?
En effet, une industrie est apparue à la fin du XIXe siècle grâce à l’exploitation du châtaignier. Depuis le Moyen Âge, on broyait l’écorce du chêne car les tanins qu’elle contient possèdent la propriété de rendre les peaux imputrescibles. Or on s’est rendu compte plusieurs siècles plus tard que le châtaignier possédait des propriétés similaires, et c’est ainsi que l’exploitation de l’arbre à cette fin s’amorça.
Au début du XXe siècle, deux usines à tanins fonctionnaient à plein régime à Maurs.
À la même époque s’est répandue la fameuse “maladie de l’encre”, ainsi dénommée en raison du liquide noirâtre qui suinte au pied du châtaignier lorsque celui-ci est atteint. Parallèlement, on a assisté à l’essor de l’élevage bovin, qui a évidemment nécessité une reconversion des terres agricoles en espaces pastoraux. Tous ces facteurs ont sonné le glas de l’exploitation de l’arbre fétiche de la région.
Les châtaignes constituaient aussi et surtout la base de l’alimentation de la population. À la campagne, tout le monde en produisait car l’arbre s’accommode de sols granitiques et son fruit nourrissant se conserve pendant tout l’hiver. Le surplus était vendu dans les villes alentour, mais ce n’est pas de ce commerce que l’on tirait sa subsistance. C’est de l’élevage des bêtes, en particulier des porcs, que les gens vivaient souvent, et les porcs (qui comme chacun sait ont bon goût) raffolent des châtaignes !
Toute cette histoire, l’impressionnant châtaignier multicentenaire qui accueille les visiteurs de la Maison de la Châtaigne vous la raconterait s’il le pouvait : figurez-vous qu’il a déjà soufflé ses cinq cents bougies ! Cet âge vénérable, ainsi que sa circonférence d’environ 7,50 m, lui vaut de figurer sur la prestigieuse liste des Arbres Remarquables de France, labellisés par l’association A.R.B.R.E.S ! Et il ne faut surtout pas croire que cette distinction obtenue en 2019 sonne comme une mise à la retraite : notre fringant fagacée (c’est le nom de sa famille) arbore encore aujourd’hui une splendide repousse ! Saviez-vous que les excroissances sur son tronc en forme de boules sont appelées des « loupes » ?
Lui ne figure pas encore sur la liste des arbres remarquables, bien qu’il puisse y prétendre…
À St-Santin-Cantalès, un “tilleul de Sully” trône sur la place du village depuis plus de quatre siècles. Sully, le célèbre ministre d’Henri IV, en vertu de sa fonction de grand voyer de France, c’est-à-dire chargé de l’aménagement de la voirie du royaume, fit planter des tilleuls et des ormes dans la plupart des paroisses du royaume de France afin qu’ils constituent un lieu de rassemblement communautaire propice à l’annonce des édits royaux, au rendu des décisions de justice, aux échanges au sujet des affaires locales.
Le plus souvent, on les a plantés à proximité de l’église car on profitait de la sortie de la messe, où chacun se retrouvait le dimanche, pour prendre la parole devant les citoyens.
En avez-vous déjà entendu parler ?
Toujours à St-Santin-Cantalès, l’arbre dit de St-Rames (du nom d’un hameau de la commune) n’a pas eu la chance de conserver la faveur des hommes, alors qu’il était fort célèbre sous l’Ancien Régime… En effet, il apparaissait sur toutes les cartes du XVIIe au XVIIIe siècle alors qu’il est complètement oublié de nos jours. Élément végétal vraisemblablement isolé et imposant dans le paysage de l’époque, il n’a pourtant fait l’objet d’aucune enquête historique ou touristique. Selon la mémoire locale et si l’on en croît les récits, une vieille dame du village se souvient de sa jeunesse, à l’époque où il se disait que de cet arbre l’on pouvait apercevoir par temps clair, son arbre jumeau situé aux alentours de Aurillac…
Teissières-lès-Bouliès aussi compte en son centre un spectaculaire tilleul, mais celui-là date de la Révolution française. C’est ce qu’on appelle un “arbre de la liberté”, dont la croissance devait symboliser celle des institutions nouvelles. Moins connu de nos jours que la Marianne ou la semeuse, l’arbre de la liberté n’en reste pas moins l’un des symboles de notre République. Le tilleul de Teissières, comme celui de St-Santin, est entouré d’un banc public en pierres sèches qui le met en scène et qui lui confère sa fonction sociale d’arbre à palabres ! Retrouvez cet arbre magnifique au détour du Sentier du Patrimoine de la commune !
Sources : Croyances, légendes et traditions populaires dans le Cantal de Pierre Moulier