Le château de Murat, à 3 kilomètres au nord de Maurs, n’a pas toujours été l’élégant manoir qui domine l’entrée sud des gorges de la Rance…

Sous-titres

« Ce château, planté sur un piton rocheux au confluent de la Rance et du ruisseau d’Anès, à un point stratégique qui ouvrait la route du Carladès, était le centre d’un fief considérable dépendant de la baronnie de Saint-Santin qui appartenait à la famille Calmont d’Olt. Sa première mention se trouve dans un acte de 1258 sous le nom de Murat l’Arispe, c’est à dire le rocheux, transformé plus tard en Murat la Rabe, tandis qu’une partie du château prenait le nom de Murat la Guiole. Il était alors certainement beaucoup plus vaste et important qu’aujourd’hui… » 

Vous l’aurez compris, au Moyen-Âge ce n’était pas un château mais bien 2 qui occupaient ce site en surplomb, que l’on décrivait jadis comme une forteresse médiévale hérissée de tours et cernée d’une couronne de remparts.

« Le château était alors la co-propriété d’un certain nombre de seigneurs qui en possédaient des parts et des droits… » mais grâce aux mariages arrangés entre nobles familles, ce fut finalement les BERTRAND et les MURAT qui récupérèrent la grande propriété.

« Rapidement, des dissensions apparurent portant sur la pêche dans la Rance, les constructions faites par les uns ou les autres… Ces faits réels, montés en épingle et enjolivés par la rumeur publique, ont donné naissance à la légende, si souvent racontée à la veillée pendant des années, des frères ennemis qui s’entre-tuent d’un château à l’autre… » 

Pour son malheur, avant de quitter ce monde, le seigneur en question dut se résoudre à voir ses deux fils se vouer une haine implacable. Auprès du lit de mort de leur père, entourés des tableaux de leurs aïeux, tous de fiers chevaliers ayant toujours su faire preuve de magnanimité, les deux héritiers durent bien mettre leur rancœur de côté et se serrer la main.

“Aimez-vous !”, leur enjoignit leur père avant de rendre son dernier soupir.

Hélas, la trêve fut de courte durée, le partage de l’héritage paternel ayant tôt fait de raviver la haine réciproque des deux jeunes hommes. Le dialogue fut bientôt impossible, et chacun se résolut à faire entendre raison à l’autre à la pointe de l’épée.

S’ensuivit un temps où les deux châteaux adjacents se transformèrent en casernes, ce qui donna lieu à une véritable guérilla, au cours de laquelle la seule loi en vigueur était celle du talion. Les campagnes environnantes firent les frais de cette hostilité croissante et destructrice : des récoltes ravagées, des chaumières en fumée et, çà et là, des cadavres gisants au gré des mauvaises rencontres.

Dans l’esprit des deux rivaux, une seule issue devint envisageable : l’anéantissement du château adverse et la mort de son propriétaire. Tout fut bientôt mis en œuvre dans ce sens. Et l’on eût dit que le ciel lui-même s’était préparé à l’affrontement car, alors que les frères ennemis s’étaient décidés à en finir, un terrible orage survint dans la foulée de la nuit, précipitant le lieu dans l’obscurité la plus complète.

Aussi déterminé l’un que l’autre, chaque camp comprit instantanément que l’occasion de tromper la vigilance des sentinelles adverses et de surprendre la troupe ennemie était enfin venue. Simultanément, les deux petites mais féroces armées se mirent en branle, non sans s’être équipées d’échelles pour donner l’assaut et de produits inflammables pour réduire en cendres le repaire honni. 

La fatalité s’ingénia à faciliter les funestes desseins des protagonistes car les deux cohortes, qui s’étaient élancées en même temps, ne se rencontrèrent même pas, obnubilées qu’elles étaient par leur soif de châtiment. Quelle ne fut donc pas la surprise pour ces hommes de ne se voir offrir aucune résistance lorsqu’ils touchèrent au but de leur bref périple ! D’autant qu’au même moment, tandis que l’orage menaçait de battre son plein, chacun put constater en se retournant que leur refuge étaient la proie des flammes se mêlant aux éclairs…

Sans hésiter, les deux jeunes seigneurs, ivres de colère, firent volte-face et prolongèrent leur équipée tragique jusqu’à la lande qui séparaient leurs châteaux respectifs. Cette fois, ils ne s’évitèrent pas : les deux bataillons se fondirent même si vite l’un dans l’autre qu’on eût cru assister à une inextricable mélée d’où s’échappaient les hurlements des combattants et l’entrechoquement brutal des cuirasses et des équipements de combat, haches, dagues et autres masses d’armes. 

L’orage grondait au sol aussi bien que dans les cieux, et ce n’est qu’à la faveur d’un éclair que les deux seigneurs purent se localiser mutuellement. Dans leur esprit, la vengeance ne pouvait être consommée que dans le meurtre du frère haï, si bien qu’ils se lancèrent à l’assaut l’un de l’autre sans le moindre atermoiement.     

Le combat fut rude tant le cadet était d’ardeur égale à celle de son aîné, et l’on pensa qu’il ne s’achèverait qu’avec l’épuisement de leurs forces. Pendant que leurs hommes finissaient de s’entre-tuer, on entendit soudain deux cris de victoire s’échapper de la gorge des lutteurs, immédiatement suivis de râles d’agonie : ils étaient parvenus à se porter le coup de grâce de concert !

L’orage cessa à l’instant même, et le jour révéla une mare de sang en lieu et place de la paisible lande qui avait été le théâtre de cet affrontement sans merci. En son centre, deux corps se tenaient enlacés, chacun tenant encore en main son fatidique poignard.  

Des siècles plus tard, on dit que certains, au crépuscule, à la simple vue du manoir de Murat, peuvent encore deviner les fantômes qui s’y agitent et s’y télescopent sans fin… 

Sources : « Légendes d’Auvergne » de Ludovic Soubrier et « Cantal actualités », article rédigé par Yves OGER (parution en Novembre 1985) – Le château de Murat